Saga de l’AHCN/ACN : II – 1989-1991 – L’affaire du 38-42 Rue Charles de Gaulle

Deuxième volet de la saga de l’AHCN/ACN racontée par son avant dernier président, Alfred Raveau. Cette fois, on échappe à un programme immobilier de 339 logements destiné, vraisemblablement, à défigurer définitivement le Coteau. Raté. Merci l’AHCN.

Dépouiller les archives du Plan d’Occupation des Sols (POS) tient de la performance. Extraire des compte-rendus des réunions du Conseil et des Assemblées Générales de l’association et des différents courriers la substantifique moëlle nécessaire à la compréhension des faits, nécessite une grande attention. Fred demande la plus grande indulgence quant au dépouillage! Une erreur peut toujours se glisser. N’hésitez pas à le faire remarquer. Il ne travaille que sur de l’écrit, jamais sur du verbal.

Pour faire court, disons que la période 1989-1991 marque, comme nous l’avons déjà signalé, une tension inégalée jusqu’à présent entre les associations concernées et la commune.

Le ton des correspondances échangées et des minutes des réunions sur le POS en mairie en dit long : insistance sur des demandes d’informations, condescendance dans les réponses, quand il ne s’agit pas de véritables empoignades verbales en réunion.

Pour ne froisser personne, nous ne nous attacherons qu’aux faits et aux aboutissants.

L’exemple du projet du 38-42 rue Charles de Gaulle est hautement significatif. Il reprend concrètement tout ce que nous avons dit depuis le début sur les difficultés qu’il y a à faire valoir ce qu’on croit être le bien de la commune, et à faire comprendre aux responsables de la commune le bien-fondé de ses observations.  Celle-ci ressent une telle démarche comme une atteinte à son pouvoir de décision. D’où de grandes difficultés et pertes de  temps. 

Chronologie des faits

D’abord, la procédure d’enquête publique (cf. chapitre 1) relative à la modification du POS, de novembre 1988 à janvier 1989, doit être reprise en mars 1989 à cause d’un vice de procédure. Ca commence mal. 

Cette fois, le promoteur est puissant. Il obtient en février 1989 un permis de construire de 339 logements. Nous disons bien trois cent trente neuf, en limite de zone pavillonnaire, à l’emplacement d’une clinique ophtalmologique au 38-42 rue Charles de Gaulle et 8-10 rue de Beauté.

Le 3 juillet 1989, Le Conseil municipal adopte le POS modifié.

Vous suivez? Bon.

Remarquons tout de suite que le permis est accordé à partir d’un POS non encore voté.

L’enquête publique va reprendre dans l’émoi général suscité par cet énorme projet. Les réactions sont immédiates. Pétitions, signatures, 3 associations attaquent le POS et le permis auprès du Tribunal Administratif de Paris.

  • L’Association des Habitants du Coteau de Nogent de votre serviteur (AHCN, devenue depuis l’ACN)
  • L’Association des riverains du Bois de Vincennes
  • L’Association des riverains de la SNCF.

Et finalement, en mars 1990, le Tribunal Administratif de Paris annule l’arrêté délivrant le permis de construire.

Pourquoi ? Tout simplement parce que les normes de construction établies par le POS qui sont valables en façade le long de la rue ne le sont plus sur les autres parcelles. Et pan!

Mais la commune n’en reste pas là. Elle dispose d’un cabinet d’avocats qui a une solide réputation et se démène pour défendre son POS et son permis de construire. 

Et en 1991 -comme le temps passe- elle attaque le jugement du Tribunal Administratif de Paris en Conseil d’Etat, la plus haute juridiction administrative, ni plus ni moins.
 
Que va-t-il se passer? Le Conseil d’Etat va-t-il entériner cette requête ou confirmer la décision du Tribunal Administratif de Paris?

Allons , réfléchissez un peu…
Bon . Allons-y.        

En juin 1991, le Conseil d’Etat annule la requête au motif que le POS est trop flou pour généraliser à toutes les parcelles des valeurs attribuées à une seule.

Le promoteur se retrouve sans permis de construire.

L’arrêt devient un cas d’école et est publié dans le Recueil Lebon, qui enregistre pour la postérité du droit les jugements du Conseil d’Etat qui font jurisprudence.

Résultat : les adhésions affluent… En 1 an, l’AHCN passe de 0 à 180 adhérents.

Et ce n’est pas fini.

Le 8 juillet 1991, soit 2 ans après, le Tribunal Administratif annule l’arrêté du 3 juillet 1989 qui avait approuvé la modification du POS.

Conclusion: le Plan d’Occupation des Sols se doit d’être objectif et le plus précis possible.

Retour à la case départ. Pas de POS modifié, pas de permis pour promoteur gourmand. Toutes les tentatives de recomposition de la cartographie de la ville sont réduites à zéro.

Une leçon s’impose: contrairement à ce qu’on entend parfois, la loi fonctionne pour peu qu’on se donne la peine de s’en servir. Et il n’est pas necessaire d’être un spécialiste pour réflechir sur un problème. Il suffit d’être clair, précis et aider le magistrat dans sa réflexion, sans le noyer dans une logorrhée juridique, comme le font si bien les professionnels. Le français courant peut suffire.

Comme l’Empire, dans la Guerre des Etoiles, la mairie contre-attaque. Elle retourne devant le Conseil d’Etat pour faire annuler la décision du Tribunal Administratif annulant l’approbation du POS par le Conseil Municipal. C’est un Dallas judiciaire.

Et en 1992, un nouveau POS sort, amélioré, qui commence à tenir compte de la volonté des riverains.

Le Conseil d’Etat a environ besoin de 2 ans pour statuer. Le 8 janvier 1993, il annule le POS de 1989 en confirmant le jugement du Tribunal Administratif.

La boucle est bouclée.

Pendant ce  temps-là,  Le promoteur qui a enfin compris, dépose un nouveau permis de construire conforme aux nouvelles normes. Les riverains le trouvent correct et surtout beaucoup moins ambitieux, beaucoup mieux adapté. Plusieurs adhérents  habitent aujourd’hui dans cette nouvelle construction.

Le promoteur a perdu 3 ans.

Tous les promoteurs n’ont pas tous compris, mais c’est une autre histoire…

A suivre.

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